Quelques réflexions sur les choses à faire et ne pas faire en nature | Partie 2
Quelques réflexions sur les choses à faire et ne pas faire en nature
Partie 2 : Les signes de la présence humaine
Rédigé par Jessica Adams (Nature Nerding)
Temps de lecture: 5-6 minutes
Le nouveau programme pour les élèves de 4e année qui visitent nos sentiers a pour thème l’observation des traces de la présence animale. Tout au long des mois de février et de mars, nous nous sommes beaucoup amusés à parcourir le parc Scowen à la recherche d’indices, à mener nos petites enquêtes et à nous interroger sur l’identité de ceux qui ont pu laisser chaque indice derrière eux. Nous avons eu la chance de trouver des pistes, des excréments, des traces de broutage et même quelques os, de la fourrure et des morceaux de peau laissés par un cerf de Virginie. Chaque sortie nous rappelait que si nous sommes suffisamment attentifs, nous pouvons voir des signes d’animaux vaquant à leurs occupations tout autour de nous, même au cœur de l’hiver.
Et qu’en est-il lorsque les animaux de l’espèce Homo sapiens vaquent à leurs occupations dans la forêt? Quels types d’indices laissent-ils derrière eux?
Dans cet article, nous allons nous pencher sur les « signes de la présence humaine » et nous intéresser à certains des signes habituels laissés par les humains qui traversent les zones naturelles et certains des signes moins habituels qui ont un impact plus important que nous le pensons. Il s’agit du deuxième article d’une série visant à encourager la réflexion sur les principes fondamentaux à la base des directives communes à tant de réseaux de sentiers (voir la partie 1 sur le respect du sentier dans l’infolettre de mars-avril). Avec l’augmentation du nombre de personnes profitant des espaces naturels, il est plus important que jamais de voir les directives des parcs comme des invitations à participer à la réduction de notre impact collectif et, conséquemment, à préserver les espaces naturels que nous chérissons tant.
Partie 2 : Les signes de la présence humaine
Pour l’amour des parcs
En 2021, Parcs Canada et Parcs Ontario ont fait équipe pour promouvoir la campagne Pour l’amour des parcs, laquelle visait à « inciter les visiteurs à profiter de ces lieux étonnants de manière responsable, pour le plaisir de tous ». (Parcs Canada)
Pourquoi visite-t-on ces espaces naturels? On peut supposer que c’est parce qu’ils ont quelque chose qui nous attire, qui est spécial et que nous aimons. Mais alors, pourquoi ferait-on des choix qui les détériorent avec le temps?
Souvent, les actions humaines (volontaires ou non) constituent une menace réelle pour l’intégrité écologique des sites que nous fréquentons. « Les écosystèmes sont en état d’intégrité lorsqu’ils sont intacts ». (Parcs Canada) Les organisations qui gèrent les espaces naturels ont la responsabilité de garder ce principe en tête lorsqu’elles permettent l’accès à ceux-ci. Le mandat de les rendre accessibles ne devrait jamais l’emporter sur le mandat de les protéger. Il est donc de la responsabilité de chacun et chacune de maintenir l’intégrité de ces lieux, tant pour la préservation des écosystèmes que pour la préservation de notre droit d’accès.
Le grand indésirable : le bon vieux déchet
Ça fend le cœur et c’est fâchant de tomber sur des déchets au beau milieu d’un site naturel. Lorsqu’on en aperçoit dans un endroit qui nous est cher… on en fait quasiment une affaire personnelle. En plus d’être choquants et laids pour les autres visiteurs, les déchets sont problématiques pour la faune, car ils n’y ont pas leur place.
Chaque élément d’un écosystème a sa raison d’être et peut participer à un échange énergétique relativement équilibré avec les autres éléments. Qu’il s’agisse de fournir un substrat, des nutriments ou un abri, le rôle de chaque chose est nécessaire et son impact est modéré par les autres processus qui se déroulent simultanément.
Les déchets, quant à eux, sont étrangers et non seulement incapables de contribuer positivement à un écosystème, mais ils peuvent aussi créer un déséquilibre important. Premièrement, ils mettent beaucoup de temps à se dégrader et libèrent ce faisant des toxines (et aucun nutriment) qui pénètrent dans le sol. Deuxièmement, différents types de déchets peuvent causer des souffrances inutiles et même la mort. Qu’il s’agisse de sacs vides ou de récipients en plastique, les animaux sauvages curieux qui perçoivent l’odeur de la nourriture pourront se retrouver piégés et suffoquer ou mourir de faim. D’autres objets pouvant être confondus avec de la nourriture seront ingérés et provoqueront un étouffement ou d’autres problèmes digestifs potentiellement mortels. Et finalement, qu’il soit confondu avec de la nourriture ou non, tout objet à bord tranchant peut blesser des animaux qui ne se doutent de rien et les rendre vulnérables.
Différentes formes de déchets peuvent nuire considérablement à un écosystème sans rien donner en retour… mais qu’en est-il des choses qui finissent par se décomposer? Sont-elles aussi mauvaises?
Les suspects inhabituels
« Mais… c’est biodégradable! » J’entends souvent cette phrase pendant la collation de notre sortie automnale, quand je demande aux élèves de jeter leur trognon de pomme dans un sac en papier brun au lieu de le jeter dans les hautes herbes.
Beaucoup d’entre nous (moi y compris) ont appris que biodégradable est synonyme d’inoffensif. Ce n’est que bien après avoir atteint l’âge adulte que j’ai pleinement saisi toute l’importance d’un geste apparemment aussi anodin. Une fois de plus, c’est la préservation de l’intégrité de l’écosystème qui est en jeu. En jetant nos déchets alimentaires, nous nourrissons indirectement les animaux, avec les conséquences suivantes :
- Cela peut être néfaste pour les animaux. Le système des animaux est fait pour digérer les aliments présents naturellement dans leur habitat. Pas une barre granola, même si elle est bio.
- Les animaux risquent de s’habituer aux humains. Les animaux comprennent très vite et peuvent en venir à associer les humains à la nourriture, au point de devenir des nuisances en restant dans les parages et en quémandant de la nourriture, voire en devenant agressifs. C’est amusant et très mignon jusqu’à ce qu’un raton laveur devienne téméraire.
- Cela peut faire augmenter la population d’une espèce au détriment d’une autre. Un exemple : une étude a révélé qu’un apport de nourriture supplémentaire avait un effet important sur le nombre d’écureuils roux, et des études sur la grive de Bicknell ont montré que le succès de sa nidification était fortement influencé par l’abondance des écureuils roux. « Les années où les populations d’écureuil roux sont importantes, le taux de reproduction de la grive de Bicknell diminue. » (Hinterland Who’s Who) Nourrir les écureuils peut tuer les oiseaux. Qui l’eût cru?
Le fait de laisser derrière soi des sources de nourriture supplémentaires pour la faune crée un déséquilibre qui peut incommoder aussi bien les humains que la faune. Et ces « aliments compostables » se dégradent beaucoup moins rapidement qu’on ne le pense (par exemple, les pelures de banane et d’orange peuvent mettre jusqu’à deux ans pour se décomposer dans la nature). Les animaux sont capables de se débrouiller seuls, et nos déchets alimentaires créent des ressources superflues qui peuvent finir par compromettre l’intégrité de l’écosystème.
Enfin, sur la liste des « suspects inhabituels », nous avons les mouchoirs en papier et le papier hygiénique. Les mouchoirs en papier tombent souvent dans la catégorie « Mais… c’est biodégradable! »
Mais le sont-ils vraiment, et est-ce important?
Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessus, il n’est pas conseillé de jeter des mouchoirs en papier dans la forêt. Il faut aussi mentionner que, contrairement à la croyance populaire, le mouchoir ne se décomposera pas dans le sol de sitôt. En fait, si on le laisse à lui-même, un mouchoir abandonné dans la nature peut mettre entre un et trois ans pour se décomposer complètement! Et c’est sans parler du fait qu’il n’apporte aucune valeur ajoutée à l’écosystème quand il finit par le faire.
On ramène tout ce qu’on apporte
Il est parfois facile d’imaginer qu’un acte isolé commis par une seule personne n’est pas vraiment grave. Il faut alors s’arrêter et se rappeler qu’aucune de nos actions n’est jamais vraiment isolée. Nous faisons partie d’un grand tout en pleine expansion. Les choix que nous faisons ont un impact, et plus il y a de personnes qui décident de faire un choix similaire, plus l’impact positif ou négatif est important.
Alors que faire de tout ce qui entre dans la forêt? Il faut le traiter comme un déchet. Il faut le traiter comme une réelle menace pour l’intégrité de l’écosystème et le ramener avec soi. Dans votre sac de randonnée, ayez toujours un sac à portée de main qui pourra contenir les choses les plus salissantes. Vous ferez le tri (compost, recyclage, poubelle) une fois à la maison, en vous félicitant d’avoir choisi d’investir dans l’avenir de ce bel endroit que vous venez de visiter. Et si vous voulez être un investisseur important, n’hésitez pas à prendre le relais et à ramasser tout ce qui a été laissé par d’autres (lorsque c’est sans danger, bien sûr).
Nous fréquentons ces espaces naturels parce que nous les aimons et les apprécions tels qu’ils sont. En choisissant de ne rien laisser derrière nous, de tout ramener avec nous, nous préservons activement l’intégrité de l’écosystème. C’est un engagement solennel que nous prenons envers les espaces naturels et envers nous-mêmes.
Références
- Trashed Natural Areas (Leave No Trace)
- Crisis in our national parks: how tourists are loving nature to death (The Guardian)
- “Biodegradable” Food Waste (New Hampshire State Parks)
- Once you know what happens to food you leave outdoors, you’ll stop doing it (Popular Science)
- L’intégrité écologique (Parcs Canada)
- Wildlife and Litter Don’t Mix (Alberta’s Institute for Wildlife Conservation)
- Imaginez que 13 millions de visiteurs… (Parcs Canada)
- Don’t feed wildlife: It can do more harm than good (BCSPCA)
- Bicknell’s Thrush (Hinterland Who’s Who)
- Klenner, W. et Krebs, C. J. (1991). Red squirrel population dynamics I. The effect of supplemental food on demography. The Journal of Animal Ecology, 961-978.