Matthew Cleary, contremaître, et Mahicans Diamond, directeur du Sentier Massawippi.

Fort de son expérience dans divers parcs nationaux des États-Unis, Matthew Cleary a quitté la Californie en 2008 pour venir s’installer ici avec sa femme québécoise et y élever leur famille. Mahicans Diamond, notre directeur des sentiers, a fait la connaissance de Matthew dans la région et, se découvrant tous deux des atomes crochus, se sont vite liés d’amitié.
C’est ainsi qu’un jour Mahicans a proposé à Matthew de faire équipe avec lui pour tracer les sentiers du parc Scowen à North Hatley. Voilà maintenant six ans qu’ils travaillent ensemble à l’aménagement du réseau du Sentier Massawippi, soit depuis que la Fiducie a mis ce projet sur pied.
Toutes les personnes que j’ai rencontrées, sans exception, étaient ravies de leur randonnée et beaucoup ont même affirmé qu’elles n’avaient jamais emprunté de si beaux sentiers. Faciles à parcourir et parfaitement intégrés à l’environnement, ces sentiers figurent parmi les secrets les mieux gardés que la pandémie a permis de découvrir. Faudrait-il les garder secrets? Matthew n’est certainement pas de cet avis! Que souhaite-t-il voir dans dix, vingt ou trente ans? « J’espère que ces sentiers gagneront en popularité et que les gens seront de plus en plus nombreux à venir s’y promener. C’est bon pour leur santé et c’est bon pour le bien-être des membres de la communauté de voir les gens marcher, de savoir qu’ils ne sont pas seuls dans cette entreprise et que d’autres profitent de la nature mise à leur disposition. »

Les sentiers reflètent la personnalité de nos constructeurs de sentiers. La première fois que j’ai rencontré Matthew, ce sont sa gentillesse et sa générosité qui m’ont d’abord frappée. En tant que contremaître des sentiers, il lui revient de concrétiser les rêves de Mahicans. De nature pragmatique, Matthew est un pédagogue, quelqu’un qui étudie la forêt et son histoire sur le plan tant écologique qu’humain. Il examine la façon dont les gens laissent leur empreinte dans la nature. Sourire aux lèvres, il explique comment s’est déroulé le nettoyage de la plage Ethan et nous mentionne qu’il peut retracer l’histoire de la bière au Québec par les bouteilles et les canettes que les gens laissent dans les bois. Anthropologue peut-être, mais d’abord et avant tout un bâtisseur qui a à cœur d’aménager des sentiers forestiers en harmonie avec l’environnement et de créer un espace convivial où les gens peuvent profiter de la nature en toute sécurité.
Matthew fait partie d’une équipe de trois professionnels responsables de l’aménagement des sentiers. Des étudiants sont embauchés chaque été pour se joindre à eux et apprendre à leurs côtés. Matthew fait office d’enseignant et de guide. Bon nombre choisissent de faire une deuxième et une troisième année, ce qui en dit long, à mon avis, sur la qualité de leur expérience. C’est d’ailleurs leur enthousiasme et leur désir d’acquérir de nouvelles aptitudes qu’apprécie particulièrement Matthew dans l’exercice de ses fonctions.
Le printemps venu, Mahicans et Matthew étudient le terrain et établissent un plan pour chaque section qu’ils entendent aménager au cours de l’année. De deux à trois kilomètres de sentier seront ainsi ajoutés en moyenne chaque année. La Fiducie de conservation Massawippi, qui est propriétaire du terrain et chargée de sa conservation, a comme objectif d’aménager jusqu’à 25 kilomètres de sentier au total.
Les sentiers sont faits en grande partie manuellement. De temps à autre, de l’équipement est appelé à la rescousse pour une section ou un travail en particulier, mais force de bras et ingéniosité suffisent généralement; pour transporter des rondins et des pierres, par exemple, rien de tel que le recours à des cordes et des poulies. Le matériel utilisé provient à 90 % des bois environnants. Une pratique qui, selon Matthew, permet non seulement d’économiser, mais aussi d’éviter l’introduction de substances étrangères qui risqueraient de nuire à la biodiversité.
Certes, on abattra des arbres pour construire des escaliers et autres infrastructures, poursuit Matthew, mais cela se fait en phase avec la nature. Autrement dit, « si vous enlevez un arbre, vous donnez plus de lumière et plus d’eau aux petits arbres qui peuvent alors pousser plus vite ». Matthew sélectionne les arbres qui sont hauts et droits (les pertes sont moindres) et ceux qui sont proches d’autres arbres. Ou bien il choisit ceux qui risquent de tomber. « Je déteste couper un arbre, mais je ne me sens pas coupable car nous ne retirons rien du système. »
Des pierres, choisies avec le plus grand soin dans la forêt, aident les gens à traverser les ruisseaux et bordent les sentiers pour prévenir l’érosion. Les marches sont construites à partir de rondins dont l’écorce est enlevée et qui sont aplatis sur le dessus pour créer un endroit naturel où poser le pied. Les sentiers suivent les contours du terrain. Le randonneur est pris en compte, de sorte qu’on ajoute des marches là où la pente serait trop raide ou un pont de pierres pour l’aider à franchir un fossé.
Margot Heyerhooff, présidente de la Fondation Massawippi, qui est le véhicule de financement de la Fiducie de conservation de Massawippi, ajoute ceci :
« Depuis nos tout débuts, notre Conseil d’administration voulait aménager des sentiers de randonnée écosensibles dans nos propriétés protégées. Nous estimions que c’était trop peu que de pouvoir seulement admirer la montagne de sa voiture, sur la route 143, de l’autre côté du lac.  Nous voulions que les gens puissent se promener dans de cette forêt étonnante qui avait été préservée. Matthew nous aide à faire de nos rêves une réalité. »
Le réseau de sentiers est presque terminé dans le secteur Wardman. Cet été, Matthew et l’équipe compléteront la boucle du sentier Wippi Nord, puis entameront une toute nouvelle section de la propriété.
Ce secret bien gardé n’en est plus un et je crois que Matthew s’en réjouit : le travail acharné de l’équipe a porté ses fruits, car la randonnée en sentier a permis à bien des gens d’adopter un mode de vie plus sain, plus équilibré, au cours de l’année difficile que nous venons de traverser.
J’ai hâte de marcher sous la canopée verte et j’espère y croiser Matthew et les constructeurs de sentiers, qui reprendront le travail en mai prochain. Si vous les voyez, prenez le temps de les saluer!